!Unete ! Join us !

Jordi Colomer
  • !Unete ! Join us !, 2017© Jordi Colomer
  • !Unete ! Join us !, 2017© Jordi Colomer
  • !Unete ! Join us !, 2017© Jordi Colomer

!Unete ! Join us !, 2017, Installation d'installations, vidéos, sculptures © Jordi Colomer

 

¡Únete! Join Us! est une installation d'installations, une méta-installation conçue et produite pour le Pavillon espagnol de la 57e Biennale de Venise. L'ensemble a pour propos l'idée même de déplacement vu au prisme de l'humain au travers d'une accumulation de formes qui lui donnent tout son potentiel. L'oeuvre défie l'architecture académique du Pavillon particulièrement représentative de la fixité.Le mode impératif du titre tutoie le public et en attend une réponse active : la construction de relations. Les séries de vidéos, le déploiement de structures architecturales (maquettes empilées d'unités d'architecture standardisée) et de sièges en gradin déplaçables forment les éléments de médiations et d'articulation pour créer des échanges sociaux dans cet espace public qui accueille un événement international de haut niveau ». 1

Pour Jordi Colomer l'architecture et l'espace urbain sont aussi bien décors que déclencheurs de situations éphémères. A Venise, il met en place un dispositif de scènes de théâtre itinérantes, un « pavillon mobile qui voyage, bouge, un petit théatre monté sur roues », c'est-à-dire un système de gradins frontaux, intersticiels ou face-à-face, inspirés des projets du théâtre utopique (Meyerhold) qui ont voulu dépasser le théatre à l'italienne en questionnant la place du public. Ces estrades ont été également installées dans les rues de différents pays pendant le tournage des vidéos. Ils ont animé des rencontres, ont mêlé fiction et réalité et provoqué des sortes d'improvisations collectives qui pourraient s'originer dans le théâtre dada, le happening.... Selon Manuel Segade, le commissaire de l'exposition, depuis les années 90 ce recours de certains artistes dont J. Colomer à la théâtralité dans la présentation (le display) a servi à « restorer de la complexité entre les groupes sociaux et la sphère culturelle : à transformer l'audience en acteurs ou participants qui peuvent amplifier l'impact de l'art sur la réalité vécue ». 2

Ce que Colomer a organisé, mis en scène et filmé ce sont des groupes nomades qui voyagent en Grèce, aux Etats-Unis et en Espagne, qui se rencontrent et créent des situations, des moments d'intensité dans des espaces publics flottants, des actions poétiques, symboliques dont la nécessité paraît aussi évidente que mystérieuse. Comme dans ses oeuvres précédentes Jordi Colomer fait réaliser les actions performatives par des non-acteurs qui incarnent à l'écran leur propre rôle.Trois personnages principaux font le lien entre tous ces épisodes. L'actrice Laura Weissmahr, l'écrivaine et chanteuse Lydia Lunch et l'employée de banque et ballerine Anita Deb. On les retrouve à Nashville, Athenes ou Barcelone et d'autres régions catalanes.

Ces vidéos sont des documentaires qui partent d'une fiction devenant réalité. Les gestes des protagonistes expriment la « résistance à l'inertie du quotidien ». Leur errance, leur voyage et leurs évasions narratives dépendent des différents contextes géographiques. Les groupes se croisent, fusionnant ou pas. Certains, montant des ânes, semblent en transhumance, d'autres comme des forains haranguent la rue avec des hauts parleurs à l'arrière d'une voiture pick up, certains vont en roulottes, ou en camion, d'autres marchent, processionnent, dansent au milieu des trous urbains ou récoltent l'eau dans des seaux en plastique colorés. Un appel à rassemblement sous la pluie est lancé devant le Parthénon de... Nashville.

Le vagabondage, le transitoire, l'imagination, mais aussi la révolte sont au centre du propos. Les maquettes d'éléments standards d'immeubles peints sur des parallélépipèdes en métal, un échantillonnage de l'imagerie de la ville nouvelle, forment comme un jeu de déconstruction. Ils s'intègrent dans les vidéos comme éléments de décor abstrait ou de mise en abyme3.

A Venise, l'entrée du pavillon espagnol avec son éclairage zénithal naturel forme donc l'espace central de la méta-installation, le point de départ et d'arrivée où les empilements d'artefacts s'agencent et vibrent sous l'air pulsé par de puissants ventilateurs. Dans les espaces autour s'organisent et se combinent les autres scènes. Le rythme visuel est changeant, instable, étrange selon la présentation, la combinaison et la circulation autour.Les grands écrans vidéos flottent comme des étendards ou des panneaux publicitaires. Les assises sont de différentes dimensions. A la fois sculptures monumentales ou mobilier urbain, elles permettent différents points de vues et inter-relations. Le public doit décider par lui même vers où il se dirige, où il va s'arrêter. L'esprit situationniste et performatif se fait sentir.

!Unete ! Join us ! ne représente pas mais incarne une humanité nomade telle qu'elle pourrait s'organiser dans les années à venir dans une définition non holistique de la cohésion urbaine qui pourrait faire éclater le vivre ensemble, terme flétri par les excès d'injonctions non exaucées. Ce nouveau type de multitudes pourrait engendrer de nouvelles manières de coexistences urbaines accompagnées de nouveaux rituels, et d'autant de cérémonies secrètes. Les états de précarité présents et à venir, l'insolite et l'inconnu pourraient décupler les énergies pour sculpter la réalité et permettre la construction de métaphores inédites.

 

Anne-Marie Morice

 

1Manuel Segade, le commissaire du pavillon (Catalogue)

2Catalogue téléchargeable sur le site de l'artiste http://www.jordicolomer.com

3 Objets voisins de la série des Anarchitekton (2002-2004) de l'artiste

 

 

Vu à

57e Biennale de Venise

Pavillon espagnol

Giardini de Venise (Italie)

Du 13 mai au 17 novembre

 

Site de l'artiste

http://www.jordicolomer.com