Nymphéas Post déluge II

Noël Dolla
  • Noel Dolla, Nymppheas post-déluge, 2019 photo M. Domage courtesy galerie ceysson bénétière
  • Noel Dolla, Nymppheas post-déluge, 2019 photo M. Domage courtesy galerie ceysson bénétière
  • Noel Dolla, Nymppheas post-déluge, 2019 photo M. Domage courtesy galerie ceysson bénétière

Installation Mixed-media-Variable-dimensions, 2019. Photographies Noel-Dolla-2019-Nymphéas-Post-Déluge-II-©M.Domage-Courtesy-C&B (1)

 

Anne-Marie Morice : Nous avons voulu vous rencontrer pour parler de l'installation Nymphéas Post déluge II qui a été l’une des pièces majeures du parcours Hors les Murs de la FIAC 2019. Pouvez-vous retracer la genèse et les enjeux de cette œuvre .

Noël Dolla. Ce projet du bassin des Tuileries je l'avais en tête depuis longtemps. Depuis la première fois où j'ai coulé un ensemble de parapluies en fait, et aussi pour des raisons de censure. Tout a commencé en 2009 lorsque j'ai été invité par Frank Lamy à participer à la Nuit Blanche. J’ai donné le titre « 1789-2009... 220 ans de rêve ». Pour cette intervention, j’ai abandonné, sur la pelouse qui allait vers le lac, 1500 parapluies rouges. Ils étaient posés mais ils n’étaient pas peints, ils étaient ready-mades : 1500 parapluies rouges descendant la colline des Buttes Chaumont (le rouge symbolise les taches de sang et rappelle qu’on a fusillé des centaines de personnes à cet endroit en 1871). Et c’était un peu comme pour représenter le peuple de Paris qui avait abandonné le combat et avait laissé sur la pelouse les parapluies. C'était lié. J'avais occupé la totalité des 7 hectares du parc et autour du grand bassin j’avais construit une cocarde lumineuse bleue blanc rouge. Il y avait dans l’eau un millier de bateaux blancs en origami qui portaient chacun un nom illustre de philosophe ou poète, comme Descartes, Trotsky, Chomsky, Apollinaire. Et puis aussi 5000 disques d'or, - qui sont des dessous de gâteaux que j’utilise souvent dans mon travail. Là en l’occurrence ils étaient dorés sur une face et noirs de l'autre et formaient un champ d'or qui allait jusqu'à la grotte des Buttes Chaumont où j'avais installé une grande lumière rouge, contrepoint des parapluies qui magnifient cette histoire de la révolution qui me poursuit dans tout mon travail. Il y avait aussi des lampions, j'avais voulu que les guérites soient ouvertes pour qu’il y ait une odeur de marron parce que le sous-titre de l’oeuvre était Chaud les marrons chauds. Et puis j'avais demandé à six jeunes des quartiers de se balader avec des ghettoblasters diffusant à fond des chants révolutionnaires du monde entier que j’avais compilés. Mais je n'avais pas prévu qu'il y aurait 80.000 personnes dans le parc si bien qu'on n'entendait pas très bien le son. Il y avait un côté festif populaire, c’était un événement tout à fait exceptionnel.

 

Anne-Marie Morice : D’où vous est venue l’idée d’utiliser des parapluies ?

Noël Dolla : Les parapluies ont à voir avec mes Etendoirs. En fait mon Grand étendoir1 est comme un parapluie ménager sur lequel j'ai étendu mes « serpillères ». Ces parapluies étaient rouges, manipulables, pas très chers. Il y avait une commodité. Dans tout mon travail on retrouve ce genre d'action. Les parapluies me semblaient être un matériel accessible. Ils se déploient et se replient comme une toile. Ensuite, en 2011, Ami Barak m'invite à une exposition pour l'inauguration à Montrouge d’un siège du Crédit Agricole. J'avais prévu de refaire une installation : mes parapluies près du bassin et mes disques d'or sur un dôme en terre et gazon qui recouvre le restaurant. Il y avait à côté un petit jardinet où j'avais demandé qu'on diffuse à demi-voix les chants révolutionnaires. Et je me suis trouvé devant un refus : la banque ne voulait pas de ces chants révolutionnaires. Du coup il restait le champ d'or et les parapluies. Alors j'ai acheté deux gros feutres noirs et j'ai tracé des croix sur tous les disques d'or pour que ça se transforme en cimetière. Et là bien sûr ils décident une nouvelle censure ! Alors je décide de noyer mes parapluies de façon à ce qu’il ne reste rien de ce que j'ai fait à la surface. Et en fait j'ai trouvé ça très beau ! Voilà c'est arrivé comme ça ! Entre 2011 et 2019 je me suis souvent répété que je ferais une pièce à partir de ça car c'était très pictural et inévitablement j'ai pensé à Monet. C’est ainsi que j'en suis arrivé à réactiver la pièce aux Tuileries sur la proposition de Jennifer Flay.

 

Anne-Marie Morice :Vous étiez intervenu aux Tuileries pour la FIAC 2016.

Michele Humbert : En 2016, vous avez installé dans le grand bassin des Tuileries une œuvre intitulée Rêve englouti, formée de parapluies immergés, flotteurs et poids. Et, au Petit Palais, dans le plan d’eau du jardin intérieur vous avez placé Rêve éveillé, composé de disques en laiton, de LED et leurres. 2

Noël Dolla : Oui, exactement ! Je n'y faisais pas alors référence aux Nymphéas car tout s'est tissé au fil du temps. En 2019 quand Jennifer Flay me propose de m'offrir à nouveau le bassin des Tuileries pour faire cette pièce avec les parapluies pendant la FIAC ça m'est apparu comme nécessaire de me concentrer sur les Nymphéas, surtout pour la picturalité. Je me suis documenté, j'ai lu des choses que j'avais oubliées, ou pas lues et j'ai surtout regardé une image du bassin de Giverny en 1924-27, la façon dont les nénuphars étaient structurés et ça m'a beaucoup inspiré. Je me suis dit ce n'est pas par rapport à la peinture de Monet qu'il faut que je pense c'est par rapport à son regard. Et là j'ai vu que sa vue avait faibli ou certainement qu'il avait la cataracte, qu'il voyait trouble. Et je me suis dit : c'est l'eau qui va jouer ce rôle. Parce que la turbidité de l'eau va me faire loupe, va créer ce jaune, salir un peu les couleurs et pour rester dans la peinture, à la place d'être dans le Ready-made comme en 2009, là j'ai voulu que chaque tâche de couleur devienne comme une tâche de couleur de chez Monet. C'est pour cela que j'ai peint les 500 parapluies tous différemment les uns des autres. Même si ça se voit peu, symboliquement et pratiquement le fait qu'il n'y ait pas deux parapluies identiques est l'équivalent d'une touche de peinture et donne à l'oeuvre une qualité particulière. Même si ça disparaît après sous la couche de pollution, si ça jaunit, c'est l'eau comme loupe et comme surface réfléchissante qui se sert des nuages, de l'environnement, etc, c'est l'eau qui se met à peindre au-delà de moi. C'est quelque chose qui m'intéresse toujours. Dans tout mon travail il y a un moment où les choses se passent au-delà ce que j'ai fait et voulu faire. C'est important de trouver les moyens de faire le minimum pour donner le maximum.

Vous avez remarqué qu'il y avait l'introduction de parapluies blancs avec les rouges. J'avais aussi prévu d’en avoir des bleus mais j'ai vu qu'on ne pouvait absolument pas les mettre sauf si on arrivait à les faire devenir noirs. Mais j'ai fini par opter pour être juste dans une opposition blanc et rouge qui me semblait suffisante pour réaliser la pièce.

Après, le niveau de la couche d'eau a dû être réglé. On a dû régler de manière suffisamment précise la profondeur de chacun des parapluies. Il y a eu la question de fixer les parapluies de manière suffisamment précise. On a inventé un petit système qui permettait qu'on accroche un sac de sable de 3 kilos, et après avec un système de rilsan (collier de câblage) on réglait la hauteur de chaque parapluie en fonction du bassin, qui n'est pas plat puisqu'il va de 1,20 à 1,05 mètre. Après je me suis aperçu que le bassin fuyait. L'eau descendait, montait tout cela était assez compliqué à mettre au point. C'est là qu’intervient tout l'appareillage technique apparemment invisible, ou peu signifiant, mais qui a une très grande importance dans la réalisation d'une pièce. C'est comme dans une peinture si on met un bleu translucide ou opaque ce n'est pas la même chose quand il va recouvrer ou affleurer l'autre couleur… C'est un jeu purement pictural. Donc moi là je me suis intéressé à cette question et après une autre chose importante fut le moment où j'ai trouvé comment construire sur ces 3200 m² le dessin de cette pièce car en fait cette installation est extrêmement dessinée.

 

Michele Humbert : Aviez-vous fait un projet graphique ?

Noël Dolla : Non je n’en fais jamais je déteste ça. Il faut à un moment donné s'oublier, on n'a pas de regard, c’est l’état même totalement intériorisé qui va produire le dessin il n'y a pas de construction préalable. C'est l'expression qui doit se faire sentir dans la justesse d’un geste définitif. Je préfère que ce soit mon cerveau qui travaille je passe des heures à me répéter toutes les solutions. Le premier jour j'ai cherché en distribuant les masses. Je tournais autour, je montais sur l'élévateur pour mieux voir. Et après j'ai compris qu'il fallait construire comme toujours à partir de points de vue, au sens propre et au figuré. J'ai donc décidé de me mette au centre de chacun des huit pans. Je voyais si bien les axes que j’avais toujours un point de vue privilégié. Et j'ai tout dessiné et installé à partir de chacun des centres des pans de l'octogone. Ces huit points permettaient que, d’où que ce soit, l’on ait une construction juste. C'est l'idée qui m'a permis de faire en sorte que le dessin soit juste. Après, avec l'élévateur que la galerie m'avait loué, à partir d'une hauteur de 8-10 mètres j'ai pu voir le dessin dans son ensemble et le régler avec le mégaphone. C’est alors que l'affaire s'est réglée comme lorsque l'artiste recule pour voir le tableau et décider de ce qu'il doit changer ou rajouter.

 

Michele Humbert : Combien de temps avez-vous passé?

Noël Dolla : On a mis trois jours, j'avais une équipe impeccable, avec mon assistant Thierry et mon fils. On a cherché bien sûr des petites choses techniques mais c'était parfait.

 

Michele Humbert : Est-ce une œuvre pour vous très importante ?

Noël Dolla : Oui j'ai la conviction d'être allé au bout de quelque chose. J'ai fait le maximum, tout le monde a été parfait. J'avais une centaine de parapluies supplémentaires mais je ne les ai pas utilisés. En définitive j’en ai utilisé 380. Je n'étais pas dans l'exploit, dans une démonstration de force, il fallait que ça reste relativement plus subtil qu'efficace. Il faut quand même que la poésie gagne. Vous voyez chez Ugo Rondinone des gros cailloux montés l’un sur l’autre de 10 mètre de haut rouge vert jaune bleu ça a une efficacité visuelle instantanée, une violence, c’est instagramable comme on dit. Là l’avantage de cette pièce c’est que la photo en rend compte beaucoup mieux qu’elle ne rend compte d'une peinture. La photo ne rend pas compte en général de la subtilité de la peinture, à cause de la différence d'échelle, et de la perte des détails. Quand je regarde Tintoret je peux deviner quels pinceaux il utilisait. La photo réduit tout. Que ce soit Tintoret ou Greco, en photographie tout le corps de leur peinture est perdu. A un moment j’avais écrit : qu'est ce qui fait la différence entre un beau corps (ou plutôt un beau cul!) vivant ou mort ? La différence n’est pas à l’image, en réalité on ne la sent que si on met la main dessus. C’est un peu idiot mais la réalité est là, physique, et doit nous interroger. Le rapport à l'image interroge sur la réalité de l'oeuvre. Quel est le mensonge ? La photo en couleur ment plus que la photo en noir et blanc. En noir et blanc il n’y a que les valeurs du tableau alors que les couleurs ne sont jamais celles du peintre. D'ailleurs beaucoup de photos d'oeuvres du début du siècle ont une qualité incroyable. A l’époque, il n’y avait qu’une source de lumière, souvent un petit réflecteur pour adoucir les ombres et on a des photos de sculpture extraordinaires alors que maintenant avec les spots mis partout pour la prise de vues on ne comprend plus rien.

 

Anne-Marie Morice : Et puis dans ce bassin il y a la présence de ce vide qui laisse libre-cours à toute activité de l'imaginaire...

Noël Dolla : Oui absolument. C'est toujours ce glissement où les choses sont à creuser, à chercher. Que fait le regardeur ? Il passe, il voit des choses et puis il s'informe. C'est à lui de faire une partie du travail. Et ces images deviennent autre chose. Il s’est produit une très belle chose : un gamin a demandé à sa mère « est-ce que tu crois qu'il y a un monsieur qui tient le parapluie en dessous ? ». Tout est dit si ça peut évoquer ça, faire rêver, procurer un moment de plaisir ou de bonheur qui n'est pas énonçable, pas descriptible. Un moment poétique ou de bonheur où les passants ont de nouveau regardé l'eau qu'ils avaient perdu l’habitude de voir ou pour d’autres raisons. Après il y a la proximité avec Monet à l’Orangerie et toutes les associations d’idées qu’on peut faire bien entendu.

 

Anne-Marie Morice : Vous n'avez pas peint, vous vous êtes mis dans la position du peintre qui regarde la réalité dont il va s'inspirer. C'est une installation de réalité avant le passage à la peinture.

Noël Dolla : J'ai essayé de faire en sorte que ça soit le plus proche possible du modèle d'un tableau de Monet. Du regard qu’il portait sur ses bassins, de ce qu’il voyait en peignant. Et d’être dans une façon de peindre à ma façon à moi, aujourd’hui, sans peinture, avec des éléments qui vont disparaître, dans une construction sur 3000 m², une espèce de jeu mais sans aucune prétention de vouloir imiter Monet. C’était plutôt comment peindre avec presque rien dans un espace de façon éphémère, ça se rapproche plus de quelqu’un comme Christo.

 

Michele Humbert : Ici, le support n’est plus une toile mais un élément naturel : l’eau. Je l’ai perçu comme une version actuelle du sfumato inventé par Léonard de Vinci pour représenter l'espace naturel, voire, de mon point de vue, l’atmosphère aqueuse de son village natal. Est-ce également votre relation à la peinture qui vous a amené à choisir « l’eau » comme support ?

Noël Dolla : Pour quelqu'un comme moi qui suis de formation ultra-classique, je me considère dans tout ce que je fais comme un peintre. A Venise d’où je reviens avant d’aller à la Biennale je suis allé à la Galerie de l’Accademia et à San Rocco pour voir Titien, Tintoret, etc. C'est évident que pour moi il y a un rapport au regard de Monet à la fin de sa vie sur ces bassins à Giverny et le sfumato qu’on peut retrouver chez Vinci mais aussi dans l'art japonais des IXe-Xe siècle que j’ai eu la chance de voir à Tokyo. C’est vrai qu’il y a cet effet de brume que j’ai travaillé d’ailleurs dans certains tableaux qui sont très peu connus mais que je trouve majeurs dans mon travail. Par exemple, j'avais travaillé toute une série de paysages sur bois, des poutres de 27 x 7 et 2 ou 3 mètres de long (1987), avec de l'eau posée puis soufflée. C’est vraiment l’idée du sfumato et de la fluidité. On retrouve aussi cette peinture soufflée dans ma série actuelle Sniper faite juste avant cette installation, que vous pouvez voir sur les murs3 de la galerie et qui présente un corps peinture éclaté, explosé.

 

Anne-Marie Morice : On retrouve également les disques dans cette série Sniper

Noël Dolla : Oui les disques sont des cibles, la cible devient « corps peinture » sur lequel je tire. A un moment j'ai peur d'aller trop loin, car mes toiles sont déjà très bien construites et composées. Le souffle vient les éclater c’est la part la moins maîtrisable qui redouble cet effet aléatoire qui me met en porte à faux mais que je recherche. La partie de la peinture que je montre n'est pas celle que j'ai vue au moment où je peins et la peinture que j'ai réalisée est suffisamment belle pour que je n'aie pas envie de la détruire. Dans ces derniers tableaux, Sniper j’ai voulu encore éclater le geste et retrouver une respiration. Ce sont des œuvres que je ne peux faire que vers 5h de l’après-midi j’installe les blancs, les points et quand je peins il me faut un quart d’heure où je ne pense absolument plus, où il n’y a plus aucune maîtrise du corps, du plaisir. Ca me prend parfois deux ou trois jours pour me mettre dans cet état. Il n’y a pas de hasard du tout. Je cherche peut-être du coté de Miro, il est dans ma tête en ce moment. Parfois je suis un peu raide, certains me trouvent un peu violent, il m’est arrivé qu’on me rende des tableaux.

 

Michele Humbert : Vous seriez d'accord pour dire qu'il y a un aspect tragique, voire dramatique, pas théâtral, mais induit ?

Noël Dolla : Tragique oui. Dramatique je ne sais pas, on voit tellement de choses faites au premier degré, je n''aime pas la grandiloquence, l'énoncé facile qui fait qu'on colle à l'actualité. J’ai eu une vie dure, avec des événements très douloureux. Paradoxalement c’est maintenant que je vais mieux. La violence parfois est telle que je ne peux pas rester purement abstrait, et pour cela il faut que j'invente quelque chose.

 

Michele Humbert : Auparavant vous aviez déjà pensé à Monet. Il y avait les disques d’or en 2016, dans votre installation à l’intérieur des Jardins du Petit Palais

Noël Dolla : Oui il y avait toute la nature qui jouait dans le bassin où étaient répartis ces disques. Depuis quelques années je fais des rencontres. A partir de peintres comme Malevitch, Paolo Uccello, j’ai fait des œuvres pas très connues. C’est toujours de la peinture. Je me dis que certains artistes continuent à creuser et deviennent terrassiers, alors que moi c’est plutôt de la recherche.

 

Michele Humbert : Vous continuez à chercher, encore, toujours?

Noël Dolla : Oui je continue à chercher. J'ai quand même été élevé par Fluxus, j'ai grandi autour de Ben, de Dietman La Cédille qui sourit, Fillioud. Je suis très cartésien mais aussi un type du Sud, très baroque, en fait je suis tordu. J’ai sans doute fait de mauvaises œuvres, mais je n'ai jamais fait des oeuvres pour de mauvaises raisons. Je fais ce que je veux. Je ne veux pas devenir un producteur de boîtes de conserves. Ma galerie me fout une paix royale, cette confiance absolue c'est vital pour moi. Il faut que ça vienne tout seul.

 

Anne-Marie Morice : Vous avez émergé dans le cadre de l'Ecole de Nice, de Fluxus et de Support Surface. Comment vous définissez-vous par rapport à la peinture ?

Michèle Humbert : Dès 1969 vous êtes un des pionniers du Land Art4.

Noël Dolla : Oui quand j’ai peint les rochers en 69 c’était de la peinture. Je me considère comme peintre, sous des formes très diverses. J’ai écrit « je suis né à l'art quand Duchamp est mort, ce n'est pas ma faute ». Je suis un de ses petits fils personne ne peut le nier. J'ai toujours dit à mes étudiants qu'il vaut mieux qu'ils aillent voir Etant donné plutôt que les Ready-mades qui sont un danger mortel. Lui-même l'a beaucoup dit. Actuellement dans les écoles d'art ces Ready-mades font autant de mal aujourd’hui que Picasso l’a fait à une époque.

 

Michele Humbert : A propos de Duchamp, souvent on a voulu le considérer davantage comme un phénomène plutôt que comme un artiste. De même, aujourd’hui une tendance réductrice consiste à dire que Léonard de Vinci est un scientifique avant d’être un artiste.

Noël Dolla : « La peinture c'est bête comme un peintre » ! Peut-être ! Mais il faut savoir la regarder ! Les gens ne regardent plus. Il y a un miracle de la peinture. Le regard du peintre fait que, quand il regarde l’oeuvre d’un autre, surtout avec un regard de peintre il comprend comment elle a été faite. Ainsi, j’avais vu une reconstitution de l’atelier de Mondrian et j’avais remarqué qu’il n'y avait pas de brosse à filet, sans doute parce que les commissaires ne savaient pas ce qu'est une brosse à filet, C’est une brosse qui est coupée au biseau et qui permet de suivre la règle et de reprendre dans le trait et la pâte. Si les conservateurs n’ont pas vu ça on voit du Mondrian pour tee-shirt, une sorte de grille. Beaucoup d’artistes maintenant ont des formations à l'image plutôt qu'à la peinture. Alors que voir où le doigt a accroché, regarder ce qui passe dessus, dessous, qu'est ce qui a été peint en premier ça pose des tas de questions. Il faut pouvoir le sentir.

 

Michele Humbert et Anne-Marie Morice

Entretien réalisé le 12 novembre 2019

1Grand étendoir aux serpillères, 1967-1999

2Au cours de l’exposition Nice 2017, École (S) de Nice, Noël Dolla a intégré les photos des deux installations parisiennes de 2016 dans l’oeuvre présentée à la Galerie des Ponchettes.

3 l’entretien a eu lieu à la galerie Ceyson & Bénétière

4 A l’époque, Noël Dolla refusait de reproduire par différents moyens ses installations en milieu naturel, considérant que ces procédés de reproduction s’apparentaient à une technique de diffusion publicitaire. Raison pour laquelle sa contribution au Land art a été méconnue d’un public plus vaste pendant toute une période.


 

Vu à

FIAC Hors les Murs, 2019, Paris

Jardin des Tuileries

Du 17 au 20 octobre 2019

www.fiac.com

 

Site

https://www.ceyssonbenetiere.com/fr-artiste-Noel-Dolla.html

Catalogues récents

- Noel Dolla , Restructurations Spatiales, 1969-2016, sous la direction scientifique de Elodie Antoine,  textes de Fabrice Flahutez, Léa Gauthier, Rachel Stella, Black Jack éditions, 2017.
- ANTOINE, Élodie, BANAI, Noit, FLAHUTEZ, Fabrice, GAUTHIER, Léa, MANGION, Éric, SCARPETTA, Guy, Entrée Libre Mais Non Obligatoire, BlackJack Editions, Villa Arson Editions, Paris, Nice, 2015.
- VERHEGGEN, Jean-Pierre, Dolla, Collection Fiction, MAC/VAL, Vitry, 2009.
- ANTOINE, Élodie, BERNARD, Christian, DOLLA, Noël, LAMY, Frank, RUBINSTEIN, Raphael, Léger vent de travers, MAC/VAL, Vitry, 2009.