Ne jamais laisser...

Pascal Bauer
  • Ne jamais laisser vos enfants seuls, Pascal Bauer

Installation, 2011, impressions sur PVC souple soudé et gonflé à la mousse pu, h:85cm
 

L'installation Ne jamais laisser vos enfants seuls prend la forme d'une mise en garde ambiguë. Les personnages hauts de moins d'un mètre sont autant de petits soldats ivres – de rage – prêts à se soulever, déjà en train de se soulever peut-être, contre un quelconque ordre établi. Cette armée met-elle en danger vos enfants parce qu'elle leur serait hostile, ou parce qu'elle peut en représenter le devenir ?  Se transformeront-ils en cette armée de petits monstres ?

Ces personnages mesurent approximativement la moitié de la taille d'un être humain. Ils sont nus et ont le visage déformé par un cri ou une grimace. Ils s'avancent, vindicatifs, le point levé, baissé parfois, mais toujours serré, manifestant ainsi une crispation, une tension irrésolue, prête à exploser : les personnages de Ne jamais laisser vos enfants seuls sont gonflés à bloc. Leurs sutures apparentes en font des rejetons actuels de la créature de Frankenstein. Techniquement, ces personnages sont des impressions photo sur PVC. Les images sont celles du corps de l'artiste, déformé et transformé par ordinateur. Elles sont imprimées sur du PVC souple, le matériau qui sert habituellement à produire les matelas pneumatiques flottant l'été sur les piscines. Pour que les impressions rendent avec justesse le volume des personnages, il a fallu non pas imprimer deux grandes plaques puis les souder ensemble (comme on le ferait pour un matelas pneumatique), mais fragmenter l'image et produire ainsi de multiples morceaux de PVC qu’il a fallu ensuite souder les uns aux autres.

Cette précision technique constitue un élément essentiel à la compréhension de la pièce : celle-ci est une somme de fragments difficiles à assembler, difficiles à faire tenir ensemble. Ces petits clones de l'artiste ne sont pas seulement des corps recomposés. Ils sont des corps violemment recomposés, dont la marque de fabrique (la suture) est laissée apparente, comme pour signifier leur caractère brut, le non-lisse, le non-raffiné, le non-poli. Il ne s'agit pas d'enfants sages. À leur apparente lourdeur, à la pesanteur que leurs corps affichent, s'oppose leur consistance légère, presque aérienne. Ils sont remplis de mousse PU, mais à les voir on peut tout aussi bien les imaginer gonflés d'airs, comme une bouée ou un ballon. Et entre le jouet inconséquent et l'armée de clones post-apocalyptique on ne sait plus se décider.

Morgan Labar

 

Vu au

musée d'art et d'histoire,

22 bis, Rue Gabriel Péri, 93200 Saint Denis

Site officiel de Pascal Bauer : http://pascal.bauer.free.fr