Sara Favriau, Les petits rien, 2022, Installation de 23 petites sculptures, matériaux mixtes. Pièces uniques. Images 1 & 2 : Les petits rien n'° 5, 2024. Canal de l’Ourcq, Stalingrad, Paris - Parc forestier de la Poudrerie, Sevran. Eléments de l'installation de 21 petites sculptures, matériaux mixtes ( fer à béton, porcelaine, branches, sureau, béton, graine de plante ornementale). Image 3 : Les petits rien n°6, 2024. Rivière du Doubs, Besançon. Elément de l'Installation de 10 petites sculptures, matériaux mixtes (roseau, noisette, pierre...). Courtesy de l'artiste et de la galerie Maubert.
Les « petits riens » de Sara Favriau s’apparentent à des petites curiosités qui invitent à regarder avec attention une diversité de matières, d’objets trouvés, cailloux, végétaux, ossements, plumes, débris, usages.
A l’occasion d'une invitation à la résidence Alula, en Arabie Saoudite, l’artiste a démarré cette série de sculptures miniatures à partir d’éléments trouvés qu’elle mettait dans ses poches lors de l’exploration d’un site spécifique de l’oasis et d’autres fragments issus d’un tri par sélection des archéologues. Sa curiosité pour ces matériaux s’est nourrie d’échanges avec les scientifiques sur place autour de la géologie et de l’ethnobotanique, plus particulièrement l’équipe de l’architecte-archéologue Emmanuelle Devaux, qui a effectué des fouilles sur ce même site.
Depuis cette expérience, l’artiste mène une recherche attentive sur les territoires où elle est invitée à créer et revient toujours à plusieurs reprises sur les lieux, sensible à ce qui l’entoure. Ces petites sculptures sont réalisées avec une grande économie de moyens, telle une pratique semblable à du bricolage. « Je cherche à lier virtuosité et premier geste d’assemblage » me confie l’artiste. « Tout est fait pour que cela tienne naturellement avec un seul point de colle arabique » ajoute-t-elle.
Le changement de sol selon les territoires où elle travaille implique une variation de combinaisons d’éléments entre eux. Cette série d’œuvres rend compte d’une mémoire des spécificités de paysage. Elle restitue le territoire arpenté, les Alpilles, la Camargue, le désert Saoudien, Palm Springs, Paris-Bobigny. Chaque petit rien s’apparente à l’association de petits trésors entre eux. L’artiste donne ainsi une valeur à chaque élément trouvé. « Le défi consiste à caractériser le territoire en très peu de temps » précise Sara Favriau.
La dernière série est composée d’éléments trouvés le long du chemin de halage du canal de l’Ourcq depuis Paris intra-muros (Stalingrad) jusqu’au Parc de la Poudrerie de Sevran, réaménagé en parc forestier. Elle rend compte des transformations du canal et de ses usages. Elle nous incite à ralentir notre rythme lors de nos trajets quotidiens pour s’ouvrir à de possibles expériences esthétiques.
Ces œuvres de poche constituent ensuite une installation d’environ 24 sculptures réalisées durant une période entre 15 jours et 3 semaines et dont chaque élément fait partie d’un ensemble. « L’œuvre doit faire socle » telle est la quête de Sara Favriau qui cherche à ce que son travail artistique soit à la frontière entre plusieurs disciplines, sculpture, installation, écriture. Présentés en ligne, ces petits riens composent une partition, une écriture poétique. Les ombres portées renforcent l’attention que le spectateur peut avoir face à chaque petite chose, trouvaille qui a attiré la curiosité de l’artiste. Ainsi, il est incité à un cheminement du regard et à s’interroger sur les traces que nous laissons sur le sol sur lequel nous marchons.
Ses œuvres ont été créées avec une attention de maintenir une spontanéité et dans un moment de plaisir à créer des combinaisons de matériaux mixtes. En les contemplant, on ressent d’ailleurs une certaine satisfaction à reconnaître des bouts de matériaux et d’objets. En les reconnaissant, nous pouvons également songer à la joie que procurent les récoltes de coquillages, de végétaux, de cailloux ou autres éléments témoins d’un lieu parcouru.
Ce processus de travail s’inscrit dans le temps long d’expériences d’enquêtes sur différents endroits à travers la planète. Chaque série de Petits riens peut aussi être considérée comme un vestige des changements que subit un territoire et comme une archive des périodes géologiques.
Pauline Lisowski
Vu à
Galerie Maubert
Exposition L’Aveu musclé
14 décembre 2024 – 08 février 2025
https://www.galeriemaubert.com/l-aveu-muscl%C3%A9--sara-favriau