Focus

Harold Guérin
  • Focus, 2015©Harold Guérin

Multiple de 6 exemplaires, prélèvements de terre, dimensions un exemplaire : 17 x 36 x 13 cm, 2015-2018

 

Sur une étagère une série de six objets de formes identiques, téléobjectifs en terre sont disposés, alignés. Ils invitent à s’approcher pour observer la diversité de matières qui les constitue. Tels des prélèvements, carottages géologiques, ces sculptures donnent chacune à voir différentes couches de terre. Chacune constitue un nouveau paysage, recomposé.

Harold Guérin compare l’acte de regarder dans le viseur avec celui de creuser pour mettre au jour ce qui se passe sous terre et interroge ainsi notre relation à l’environnement : l’acte de photographier est assimilé à une façon de capturer le paysage, de conserver une trace de celui-ci. Le mot Focus, qui donne le titre, se rapporte à la fois à la compréhension de cette terre récoltée, disséquée et à une concentration du regard. L’artiste fait référence à un terme du domaine de la photographie : "focus" signifie la mise au point pour régler la netteté de l'image.

Ces formes, fragments, assemblage de matières naturelles témoignent de lieux parcourus par l’artiste. La terre est trace de l’évolution des paysages. Pour Harold Guérin, « la terre est un matériau qu’on ne voit pas et qui pourtant est partout, recouverte ». L’artiste s’inspire des relevés géologiques et des représentations scientifiques, les détourne pour donner à voir la matière telle quelle. Ces échantillons de terres renvoient également à notre relation au voyage. L’œuvre interroge la transformation des milieux naturels par l’homme. 

De plus, un parallèle s’opère entre l’instantanéité de l’acte de photographier auquel fait appel le moulage de l’objectif et le temps infiniment long de la sédimentation du sol visible dans ces formes évoquant des carottes géologiques. C'est ainsi que différentes temporalités se superposent au cœur de cette œuvre : le temps long de la formation du paysage, le temps progressif de la récolte de matières et l’instant bref du regard ou plus précisément « de la prise de vue » si on suppose que le regard passe ici par l'outil photographique. 

La position frontale de ces concentrés de terre donne aussi l’impression que l'appareil de vision nous observe et nous renvoie à notre posture de spectateur de la nature. Cette sensation conduit à imaginer que « la terre nous regarderait ». De ce jeu de regard peut alors naître une interrogation sur notre manière d’observer le monde.

 

Pauline Lisowski

 

Vu à 

Sous les pavés les arbres (Aubervilliers, 2018)