Dribble

Pascal Bauer
  • Driblle, 2017 ©Pascal Bauer
  •  La Foule, 2017 ©Pascal Bauer
  • Le petit marcheur, 2017 ©Pascal Bauer

Dribble (2017), La Foule et le Petit Marcheur (2009), Installations vidéo, IPN, moteur, dalle LCD ou écran plasma, contenus vidéo ou photographiques

 

Cette installation spectaculaire représente l'image vidéo d'un sportif (footballeur) prisonnier du cadre d'un écran. Sa gestuelle est restreinte, répétitive. L'écran coulisse et effectue des allers-retours le long d'une poutre métallique posée au sol. Installation robotique qui fait une synthèse aussi saisissante que singulière entre le mécanique, le numérique et la diffusion des images vidéos - celles qui sont diffusées à l'heure des rassemblements de masse pour les événements sportifs. La petite image dérisoire du joueur placé au sein d'un assemblage de pièces industriées, mises en mouvement par une application numérique, évoque irrésistiblement le film de Charlie Chaplin Les Temps Modernes. Le joueur serait-il, lui aussi, pris au piège, en étau, dans une « machination machinique » (Charles Melman) qui le dépasse ?

C'est la troisième fois que Pascal Bauer utilise ce dispositif déambulateur tirant son origine d'un châssis de traceur, dont la motorisation et l’électronique ont été remplacés, ce système permettant le déplacement longitudinal d’un écran, de façon à ce que le personnage et le dispositif semblent synchronisés. A chaque version, par l'image et la programmation numérique, il fait varier le sens de la pièce tout en gardant le même postulat : présenter un objet d'art qui contient à la fois son ensemble et des unités et créer entre les parties une solidarité qui paraît plus ou moins répétitive ou ouverte à l'aléatoire. C'est dans ce plus ou moins que reposent les différences entre les versions.

Le Petit Marcheur, en 2009, présente des animations faites à partir de photos recomposant le mouvement, référence directe à la chronophotographie. La pièce renvoit à la répétition ad infinitum, et nous invite à méditer sur une condition humaine tournée vers l'absurde et la mécanicité.

La Foule, en 2009, présente une vidéo où le corps de l’artiste, marche sans se déplacer, dans une stabilité parfaite par rapport aux limites de l’écran qui lui, se met en mouvement en lieu et place du personnage. Une perte de consistance formelle du sujet se produit au fur et à mesure de la montée d’une rumeur de foule. L’image est soumise à des perturbations graphiques électroniques qui soulignent sa matérialité. Elle se désincarne dans une sorte de corruption quasi-matérielle alors que la singularité s’efface dans le rapport au collectif.

Dribble, en 2017, illustre la symbiose désormais accomplie entre l'homme et la machine. Symbiose néanmoins empreinte d'ambiguïté car si le petit marcheur devenu footballeur dribble1 en permanence, si l'image et le mouvement de l'écran sont synchrones, c'est la machine qui contraint l'image alors que les films semblent programmés pour donner les ordres d'exécution : la direction, le mouvement. Dans certaines séquences les gestes deviennent aberrants, robotiques. Les changements de direction deviennent absurdes, compulsifs, donnent au personnage un comportement proche de la folie. Pascal Bauer introduit également une réflexion sur les méta-images sportives des jeux vidéos qui ont depuis longtemps numérisé et mis en animation réglée les spectacles de stade. Ainsi dans certaines séquences de « shoot » réussi le score apparaît entouré d'étoiles. C'est la grâce ludique du sport qui est enterrée, au milieu de toutes ces contraintes. En effet, on n'attend plus d'imprévu dans les figures du sportif. Il perd sa majesté sacralisée pour s'intégrer dans le régime des sous-cultures médiatiques où tout est déjà fixé, contingenté, où le moindre geste contient en lui-même toutes les règles qu'il faut appliquer pour parvenir au succès.

Machination totale ? Si effectivement le sportif est prisonnier de l'injonction de se dépasser qui lui est assignée, le système du sport est lui même dépendant de la forme, de la combativité et de la résilience de chacun des individus qui y apportent leur contribution. Comme le résume Raphaël Cuir « L’oeuvre de Pascal Bauer pose un regard lucide sur un monde dont les modèles, en particulier masculins, sont pour le moins vacillants. »2


 

Anne-Marie Morice

 

1Passements de jambe chorégraphiques que distillent habituellement les stars du ballon rond

2Catalogue Pascal Bauer, Ed , 2013


 

Vu à

Exposition Sportmania, quand l'art s'active

Commissariat Julien Taieb

Maif Social Club

37 rue de Turenne

75003 Paris

21.04 au 13.07.2017

https://lieu.maifsocialclub.fr/programmation


 

Site de l'artiste

http://pascal.bauer.free.fr