Dispositif numérique, in situ
City Lights Orchestra est une oeuvre visuelle qui fait de fenêtres d'immeubles des écrans sur lesquels une "symphonie" lumineuse se compose in situ et en temps réel dès la nuit tombée. La symphonie est rythmique, polyphonique, polychrome, générative et bien que construite sur un modèle musical, totalement silencieuse. Pour sa réalisation, Antoine Schmitt implique le concours des habitants, qu'il synchronise et met en osmose grâce à une application algorithmique qu'il a créée. Pour cela, il travaille avec des structures ancrées sur un territoire, centres d'art, festivals, qui se chargent de fédérer un public désireux de vivre une expérience esthétique qui va se nourrir de cette dynamique sociale.
Créée à Turin, elle a été "rejouée" au Festival Ososphère de Strasbourg, puis à CapeTown et dans diverses occasions, notamment à Saint-Denis, sur invitation de Synesthésie (2) dans le cadre du festival Némo, en octobre 2013. Ainsi, à Saint-Denis, à partir d'un groupe d'immeubles, disposés autour du square de la Montjoie, dans le quartier de La Plaine, la proposition artistique d'Antoine Schmit t a permis aux habitants de ce site, sorti de terre en deux ans, de se rencontrer autour d'un projet artistique. Cet artiste plasticien, ingénieur programmeur et designer a développé une pratique artistique pluridisciplinaire autour de la programmation de formes lumineuses instaurant un lien rythmique entre l'aléatoire et le déterminisme.
Caractérisé par une grande mixité de logements et un nouveau collège, le quartier manque de vie sociale et d'habitudes culturelles. Ses habitants sont devenus, le temps d'une soirée, les acteurs créatifs de la vie urbaine nocturne, à la fois interprètes et spectateurs d'une métamorphose possible. Celle-ci n’a existé que par leur volonté . Tel un instrument d’orchestre, chaque fenêtre devait interpréter sa propre partition, s’intégrant à une rythmique visuelle globale.
Destiné au plus grand nombre, le mode de participation à City Lights Orchestra est aisé, car utilisant l'équipement numérique que possède maintenant chaque foyer : une connexion à l'internet, un ordinateur ou une tablette numérique et des fenêtres sur rue. L'événement se déclenche à une date prédéterminée, chacun se connecte en même temps au site fait par l'artiste sur lequel il peut jouer sa propre partition. Les écrans sont positionné face au mur opposé à la fenêtre, au plafond, ou vers la fenêtre elle-même, à condition qu'elle soit couverte de rideaux clairs ou de feuilles blanches afin d’amplifier la lumière.
Le jour J, la nuit tombée, les fenêtres clignent, battent en mesure, selon leur propre rythme, mais aussi en choeur avec les autres. Les particpants sortent alors dans la rue et ensemble peuvent jouir du spectacle qui se prolonge sur smartphones.
Cet événement est unique à chacune des reprises de son protocole. Il intensifie la réalité urbaine, créant un objet d'art autonome. Il fait écho à l'intention d'Allan Kaprow de « montrer comme si c’était la première fois, le monde que nous avons toujours eu autour de nous (3)». City Lights Orchestra, de façon quasi- organique et non spectaculaire, -les pulsations lumineuses étant aussi légères que celles d'un battement de coeur, telles qu'on pourrait les imaginer-, nous plonge dans une certaine poésie de l'instant, qu'il nous faut savoir capter. L'espace d'une nuit, la ville globale devient aussi la ville de chacun.
Anne-Marie Morice
Site officiel de l'artiste : http://www.antoineschmitt.com
Site : http://www.antoineschmitt.com/city-lights-orchestra-fr/
(1) Festival Infecting the City (Cape Town, Afrique du Sud)
(2) http://www.antoineschmitt.com/city-lights-orchestra-synesthesie/
(3)Allan Kaprow. Essays on the Blurring of Art and Life. Berkeley, CA: University of California Press, 1993; Allan Kaprow, L’art et la vie confondus, Paris, Centre Georges Pompidou, 1996.