The Air That We Breathe, 2014, Swallow (taxidermy), torn colored polythene, nylon, lead
Claire Morgan développe une démarche fondée sur une attention à la nature, à l’animal et au paysage qui évoluent sous l’influence de l’homme. Elle s’inscrit dans la lignée d’artistes imprégnés par les préoccupations environnementales et écologiques. Les dégâts, les dégradations, la mort se révèlent sublimés par la poésie qui se dégage de ces œuvres spectaculaires et d’une extrême finesse.
L’artiste expérimente aussi bien le dessin que la sculpture et compose des installations monumentales, dans lesquelles elles insère des animaux taxidermisés… On peut y voir une violence mais aussi une tentative de leur redonner vie, une certaine beauté. Cette artiste cultive un travail délicat, un art de composer avec toutes sortes de matériaux artificiels et organiques, qu’elle récolte en fonction des saisons. Elle invite ainsi à observer les éléments infiniment petits de la nature, fragiles et qui sollicitent le désir de toucher.
En parallèle, ses peintures révèlent l’animal pris dans son élan. Elles témoignent de ses expériences, telle ses tables de travail. Ses dessins montrent son processus de travail, comment elle pense et compose sa sculpture. On y voit ses notes, comme une scientifique qui étudie son sujet.
Ses œuvres à la fois séduisent et repoussent notre regard. Celles-ci nous jouent des tours, cultivent l’ambiguïté et la tension entre l’arrêt et le mouvement, le naturel et l’artificiel, le mouvement et la fixité, l’ordre et le chaos, la vie et la mort. Cages ou protections, ces sculptures sont des métaphores du passage, des circulations.
Présentée à la fondation Francès à l’occasion de son exposition RESURGENCE – My god-Shaped Hole, son installation The Air that We Breathe attire d’abord le spectateur par le foisonnement de couleurs. Une multitude de fils de nylon compose un espace à la fois fermé et ouvert. De loin, se perçoit une diversité de petits éléments en suspension colorés, comme en mouvement. Ils suscitent l’émerveillement, un univers joyeux, poétique. En se rapprochant, on découvre des petits bouts de papiers colorés déchirés en polyéthylène. Une hirondelle est comme capturée dans son envol, cachée, pris parmi cette structure filaire. L’animal est symbole à la fois d’une certaine force et fragilité. Il semble aussi près à s’envoler, à résister, à s’échapper. « Chaque petit animal raconte une histoire. J’aime inventer un scénario avec une sculpture », confie en effet Claire Morgan. L’artiste réconcilie l’opposition entre l’inerte et le vivant, le microscopique et le monumental.
Si de loin, cette œuvre suggère le mouvement, le flux, elle cache un système géométrique. Cet ordre contraste avec la fragilité des matériaux et l’apparente possibilité qu’à tout moment, l’œuvre pourrait s’effondrer. Une tension s’opère entre la rigueur de la forme et la présence de l’animal, enfermé et pourtant libre.
L’œuvre de Claire Morgan nécessite de prendre le temps de laisser le regard se promener, circuler à travers la structure, pour en saisir toutes les subtilités. De cette attention naît aussi l’envie de comprendre son organisation interne.
Ainsi, Claire Morgan interroge la relation de l’homme à l’animal. Elle met en lumière la disparition des êtres sur terre et leur tentative de résistance. Ses œuvres renvoient aux questions de l’existence, comment s’adapter face aux changements que subit notre planète. Elles conduisent aussi à se positionner de façon d’autant plus vigilante face aux éléments qui nous entourent. Au delà, ces mises en scène ouvrent vers des moments suspendus entre l’arrêt brutal et l’animation soudaine.
Pauline Lisowski
Vu à
Fondation Francès
Exposition RESURGENCE,
My God-shaped Hole, Claire Morgan Solo Show,
du 3 mars au 23 décembre 2017
http://www.fondationfrances.com