The Flying Machine, 2017

Ali Cherri
  • The Flying Machine, 2017©Marc Domage

Ailes de corbeaux en taxidermie cloutées sur des tiges de bambou, bois, cordes, 270x200, Photo © Marc Domage

 

Une machine à voler inachevée et non opératoire, sombre, massive, désuette, tel est le projet présenté par Ali Cherri dans les Jardins des Tuileries dans le cadre du programme Hors les Murs de la FIAC 2017.

La sculpture est composée de deux parties : un piedestal rectangulaire solide en bois massif, inspiré de celui qui servait de support à la guillotine, soutient en hauteur le fameux dispositif qui pourrait permettre à l'homme d'expérimenter le devenir-oiseau.

Le prototype supérieur est une structure en bambou recouverte en partie d'ailes de corbeaux. Il est proposé à tout humain qui désire revêtir la parure d'un volatile d'imaginer s'allonger dans la nacelle. L'aspirant à l'ascension pourrait faire battre les ailes grâce aux poulies. L'objet est saisi sur le vif, ses incohérences techniques figent le projet dans son cours. Qu'il s'agisse des pumes clouées sur le bois, ce qui les rend inopérationnelles, que l'une des ailes déplumée repose au sol alors que l'autre soit déjà élevée. La queue élément indispensable pour gouverner la manœuvre n'est pas non plus entièrement achevée.

L'artiste libanais Ali Cherri puise dans l'ecosystème qui relie l'homme à l'animal. Ses œuvres témoignent des mêlées auxquelles se livre le monde des vivants, entre aptitudes, rivalités, prises de contrôle. Dans cette pièce, il revient aux origines des recherches de ceux qui ont rêvé de défier la loi de la gravité, de composer avec la pesanteur et voler comme les oiseaux. Une action qui, au naturel, est impossible à l'humain qui cependant y aspire, désir largement partagé dans toutes les cultures. En effet, l'homme a rêvé de s'élever, d'être léger, d'aller partout au gré des vents, de surplomber la planète. Il a fini par inventer des machines volantes mais ces techniques sont totalement différentes des capacités dont sont dotés les oiseaux.

Cette pièce est un hommage au précurseur de l'aéronautique, le scientifique d'origine arabe Abbas Ibn Firnas qui, en Andalousie en 870, a fait la première tentative scientifique de vol, au temps des Omeyyades. Les carnets de l'ingénieur relatent ses observations et recherches pour maîtriser le milieu aérien. Vinci en aurait eu connaissance. On sait qu'il s'était fait construire des ailes battantes en bois recouvertes de soie et de plume et, ainsi appareillé, s'était jeté d'une tour de plusieurs mètres à Cordoue réussissant à planer quelques instants, avant d'atterrir sans trop de dommages.

Ainsi la Flying machine d'Ali Cherri garde-t-elle toute son ambiguïté, mêlant le dualisme cartésien à l'utopie, il oppose « les collages, greffes et hybridations qui sont autant d’échappatoires à une lecture bornée de notre monde (…) et exemplifie l'union des dissemblables. L’humain et le non-humain, l’organique et le technologique, le carbone et le silicone, l’histoire et le mythe, la modernité et la postmodernité, la nature et la culture … toutes ces divisons et dichotomies paraissent ici inadéquates pour la compréhension notre monde.  »1 Si on peut battre des ailes, se détacher de la pesanteur on ne le peut guère. Si on prétend aller au bout du rêve, les utopies ne se réalisent pas. La Révolution mêne à la chute.

A l'ère où la question des cyborgs et de l'hybridation commence à questionner notre futur2 rien n'empêche de rêver et de commencer à mettre en œuvre ses projets.

 

Anne-Marie Morice

1 Ali Cherri, 2017

 

2 Donna Haraway, Manifeste Cyborg : Science, technologies et féminisme socialiste à la fin du XXe siècle [archive] (version 1985, traduction Marie-Hélène Dumas, Charlotte Gould et Nathalie Magnan. dans Connexions : art media réseaux. Anthologie établie par Nathalie Magnan et Annick Bureaud. Ensb-a, 2002. 

 

Vu à

Programme Hors les Murs, FIAC 2017

Jardin des Tuileries

du 18 au 23 octobre 2017

 

Sites de l'artiste

https://www.alicherri.com

http://imanefares.com/fr/Exposants/ali-cherri-2/