Catène de containers, 2017, Scultpure urbaine faite de 38 containers maritimes peints, hauteur maximale 30 m, emprise au sol maximale 30 m, photographie (c) Estelle Coletta
Majestueuses arches qui légères, aériennes, ludiques, élèvent jusqu'à 30 m des containers uniformes, quoique singularisés par leurs différentes couleurs vives et nuancées, au débouché de la rue de Paris sur le port industriel du Havre. Le béton gris de Perret est réchauffé par cette sculpture qui ponctue significativement le parcours urbain sans boucher le paysage. A la verticalité rigoureuse des structures « poteaux-poutres » du centre-ville répond l'horizontalité lumineuse des coffres en acier étanche qui forment un joyeux arc-en-ciel. Ceux-là, détournés de leur aspect utilitaire, ressemblent de loin à des coffres de jouets d'enfants. De près, on est saisis par la dimension monumentale du projet, par sa solidité et son audace.
Vincent Ganivet a dimensionné son projet à l'échelle des constructions voisines et de l'histoire du lieu. Autrefois point de départ des transatlantiques, les bassins accueillent maintenant les petites villes flottantes que sont les paquebots de croisière. Au loin filent les porte-containers où s'empilent ces unités de transport standardisées. Ce point de vue sur le port du Havre nous offre de quoi méditer sur le flux continu et planétaire des humains et des objets.
Faire des courbes avec des cubes, rendre grâcieux le prosaïque, rendre le pesant léger. Pour trouver le système d'équilibre en hauteur d'éléments connotés comme ayant une attrait irrésistible pour la gravité, l'ingénieur-artiste emploie la méthode dite de « construction à la chaînette » - chère à l'architecte catalan Antoni Gaudi -, un casse-tête dont il raffole. Grand amateur des contraintes, le défi pour Vincent Ganivet consiste à parvenir à de parfaites courbes auto-portantes, qui nous ramènent en sorte au temps des cathédrales, mais en réactualisant sa démarche par l'emploi d'unités de constructions industrielles, de notre époque. Il consiste aussi à solutionner tous les nouveaux problèmes que ces éléments peuvent poser.
Les containers de base reposent dans une position oblique sur le sol comme si les arches étaient saisies en instantané, juste avant l'instant où le château de carte va s'effondrer. Mais bien entendu il n'en est rien. Tout a été pensé et validé pour répondre aux normes de sécurité et de qualité, quoique tout ait été réalisé sans trucage, chaque élément ayant sa raison d'être. Et cela, même si le penchant de l'artiste va plutôt vers la représentation-limite d'un équilibre éphémère annonciateur de catastrophes imminentes, effrayantes et jubilatoires. Aussi Le Havre peut-il se féliciter de pouvoir ajouter à son patrimoine architectural cette construction conçue pour être permanente par Vincent Ganivet.
Anne-Marie Morice
Vu à
Quai de Southampton
76600 Le Havre
dans le cadre de la manifestation
Un Eté au Havre
du 27 mai au 8 octobre 2017
http://www.uneteauhavre2017.fr/fr
Site de l'artiste