De la série Le Jardin de mon Père, 2014 (Le Printemps et La Touche). Tirages photographiques.
La série de photographies « Le jardin de mon père » présente une promenade à la découverte d’un jardin. Exposée dans la serre du jardin Une Oasis dans la ville, elles dévoilent des moments d’attention à unenature, sous différents points de vue. Dans une lumière intense, les couleurs de ce milieu observé sont éclatantes. Martin Bachelier cherche à donner à ses images une certaine plasticité. Ellestémoignent d’une découverte progressive comme pour percer au fur et à mesure les secrets de ce lieu de culture. Le vide qui sépare chaque duo de photographies suggère une possible suite. De plus, les végétaux de la serre interagissent avec les photographies et les encadrent : un va-et-vient entre l’image et les plantes de cet espace de plantation se crée. Cet accrochage met alors en perspective les relations entre le représenté et le présent, entre le simulacre et la réalité.
On pourrait penser à des images réalisées dansce jardin qui les accueille. Ce qui n’est pas le cas.Martin Bachelier s’est livré à poserun regard attentif sur le jardin de son père. Chaque prise de vue met en évidence l’expérience esthétique que procure la contemplation de la végétation. Aucune présence humaine et pourtant la trace du jardinier se révèle. Ces images attestent aussi de l’émerveillement que procure l’acte de photographier. L’artistea capté l’instant présent, le végétal tel qu’il est à un moment donné. L’immédiateté de la prise de vue renforce la situation, la position du sujet représenté. Des plantes des plus banales deviennent dignes d’intérêt sous l’œil du photographe. De fait, cette série convoque la question du beauen photographie. Ce regard sur un détail de nature renvoie au jardin comme le lieu d’une « réduction du monde de la nature ».PourMichel Foucault, en effet, « Le jardin, c’est la plus petite parcelle du monde et puis c’est la totalité du monde. Le jardin, c’est, depuis le fond de l’Antiquité, une sorte d’hétérotopie heureuse et universalisante»1. A travers cette série, Martin Bachelier invite à réfléchir sur le concept du jardin, cet enclos de nature cultivée.
Même si ces photographies ont été prises dans un jardin privé, elles suggèrent le jardin de tout un chacun. Elles font remonter à la surface des souvenirs d’enfants, la joie d’observer et de contempler une fleur en train d’éclore ou de sefaner. En allant à la recherche des traces du jardin de son père, Martin Bachelier évoque d’autrespères, tous les jardiniers et amateurs de jardins qui aiment s’y promener et cultiver leur terre nourricière. Rappelons que les jardins individuels témoignent de l’histoire des sociétés. Ce travail photographique met alors en évidence des rapports sociaux,le jardin comme lieu de la transmission, des échangeset l’enjeu de cultiver la terre.
Ainsi, l’artiste attire notre attention sur la nécessité de reprendre soin de la nature, source de bien-être et de plaisir. Cette série d’images lui donne l’envie d’une suite de découverte d’autres jardins à photographier : une tentative d’épuiser ce sujet qui traverse l’histoire de la photographie. Ce qui lui permet d’approfondir le développement de ce médium comme vecteur de l’état du monde.
Pauline Lisowski
1M. Foucault, « Des espaces autres », dans Dits et écrits 1954-1988, vol. IV : 1980-1988, éd. D. Defert et F. Ewald, Paris, 1994, p. 752-762 (p. 759).
Vu à
Sous les pavés les arbres (Aubervilliers, 2018)