Jeudi Graffiti

Antoine Desailly
  • Jeudi Graffiti©Antoine Desailly, 2018

Jeudi Graffiti, 2018, huile sur toile, 131x97cm

Deux mains s’agrippent sur un mur en brique sur lequel trône une bombe de peinture aérosol. Jeudi Graffiti, peinture à l’huile au cadrage frontal, présente la tentative d’une sortie, d’un dépassement de soi, d’une volonté d’aller voir au-delà. Elle suggère l’esprit de liberté, de vagabondage, une quête d’évasion, un désir de contourner et de franchir les frontières. Et le ciel d’un bleu intense renforce cette envie d’ailleurs. Si elle renvoie à la volonté d’un individu de s’affirmer, d’explorer le monde, une certaine fragilité en émane. La position des mains, en équilibre, rappelle le fait qu’à tout moment, nous pouvons lâcher prise et rester sur le seuil. 

Antoine Desailly évoque le « syndrome de la capuche », ce questionnement sur l’identité, sur la place de l’individu dans la société, dans la banlieue, ce territoire qu’il ne cesse d’explorer. Cette huile sur toile, par son titre, raconte un moment d’une journée, un acte gratuit, un jeu : aller à la découverte de lieux cachés et y laisser une trace. Or, on ne voit pas de graffiti, tout est suggéré, seul le geste d’escalade est figuré, ce qui renforce le caractère instable de la situation. L’absence de visage dans cette peinture témoigne d’un besoin de se protéger et de l’anonymat. 

Avec cette œuvre, Antoine Desailly opère un changement dans sa démarche plastique. A la suite de ses collections de matières, déchets, objets de rebuts qu’il puisait durant ses promenades journalières, la peinture lui permet désormais d’affirmer de façon plus directe ses pensées sur la société urbaine. Par la présence humaine, il réaffirme son intérêt pour la culture hip-hop et pour le rap, une attitude « cool ». Même si pour lui, il s’agit d’un autoportrait, ce personnage n’en est pas moins l’archétype de l’individu qui se cherche et observe l’environnement qui l’entoure.

De plus, l’artiste unit ici deux pratiques artistiques : l’art du graffiti qui permet de s’affirmer, de laisser une trace ainsi que la peinture à l’huile, un art noble. Son trait rappelle l’univers de la bande dessinée, une figuration poussée vers l’exagération, stylisée. Cette technique de représentation fait écho aux peintures de Philip Guston, inspirées des « comics américains ». Cette association exprime alors l’attitude du laisser-aller tout en redonnant de la place à l’imagerie populaire. 

Ainsi, cette peinture parle des moments du quotidien, révèle ces périodes de la vie qui permettent de grandir et de mieux se comprendre. Elle incarne le plaisir de l’errance et celui de l’exploration, le besoin de comprendre le monde, la ville et ses limites. Elle met aussi en évidence les relations des individus à leurs espaces de vie.

 

Pauline Lisowski

 

Vu à 

Sous les pavés les arbres

Villa Nature, Aubervilliers

Parcours artistique

 

Les 6, 7 et 8 juillet 2018