Say her name: Queezy

Jody Brand
  • Say her name: Queezy, 2016© Jody Brand

Say her name: Queezy, 2016 , Photographie digitale sur po1lytwir, 250 x 150 cm, © Jody Brand

 

Dans la série #Say her name1 Queezie, Jody Brand a créé le portrait utopique d'une femme du futur ayant terrassé les manifestations de violence que son genre déclenche. Cette série de photographies grand format a été initialement présentée2 accompagnée d'une installation florale et votive dédiée à la mémoire de Nokuphila Khumalo, travailleuse du sexe Sud-africaine sauvagement assassinée en 2013 par Zwelethu Mthethwa, un artiste photographe qui fut condamné à 18 ans de prison. La stratégie artistique de Judy Brand consiste à renverser la situation en proposant un statut d'idoles ou d'icones pour les femmes qui représentent les classes sociales et ethniques les plus méprisées, ignorées, violentées.

« Ma mission est d’interroger les représentations actuelles des minorités » dit l'artiste.

Il s'agit pour elle de créer une disruption en bousculant les stéréotypes qui associent la femme noire à une victime traumatisée, honteuse ou soumise à un ordre social paternaliste qui la contrôle et la rend dépendante. Dans cette série, Brand s'est inspirée des « odalisques », ces figures féminines de la peinture orientaliste, corps offerts dans les harems qui ont nourri l'inspiration de nombreux peintres du XIXe dont Ingres, mais aussi Matisse, et même Picasso.

Jody Brand inverse le genre tout en reprenant la facture stylistique des photos de mode : flash, pose étudiée, accessoires. Cette odalisque contemporaine est devenue une femme séduisante, au maintien altier, sensuelle, rayonnante. Mais le visage au maquillage accentué, qui creuse les traits et affirme la personnalité, la coiffure lisse qui dégage le front intelligent, le corps presque androgyne, le regard sans pudeur, énigmatique, étrange nous éloignent des charmes flous des esclaves sexuelles qui faisaient fantasmer les voyageurs de l'exotisme.

La femme de Brand est une reine qui n'hésite pas à se vêtir dans une gamme chromatique forte, chargée de fleurs, d'or, de parures aux reflets brillants. Cette reconquête du corps féminin s'accompagne d'un clin d'oeil parodique aux magazines occidentaux et s'affiche en conquérante dans les intérieurs des classes dirigeantes colonialistes qui l'excluaient.

Jody Brand attire l'attention sur l'image que véhiculent les personnes de couleur. Leur identité est soumise (colonisée) aux jugements qui sont portés sur elle. Dans une démarche qui évoque celle de Nan Golding, elle photographie aussi dans les rues du Cap, les moments de beauté et de dignité des personnes qui lui sont proches. Elle les publie sur l'internet, un espace de liberté où on n'a pas besoin de s'excuser d'exister pour apparaître et avoir sa propre place.. On peut voir ses photographies sur Tumblr (page chomma). Les « amis » 3de Jody Brand ne sont ni noirs ni blancs, ils existent dans leur épaisseur humaine, leur vie s'inscrit dans leur corps, sur leur visage, emplit l'espace de l'image.

Say her name: Queezy exprime la jubilation face au dédain, la luxure plutôt que la privation, l'ode au genre féminin, - noir, trans, homo ou autre. La femme du futur sera sûre d'elle et entièrement maîtresse de son désir et de sa vie. « You can't keep a good woman down. » déclare l'artiste. Arrêtez de mettre à terre les femmes.

 

Anne-Marie Morice

 

1Le hashtag #Sayhername correspond à une campagne lancée en 2015 en mémoire des femmes et filles noires tuées par la police et contre la représentation que faisaient les médias de ces victimes. Plus généralement il est devenu un emblème de ralliement contre les agressions sur les femmes et filles de couleur.

2à la galerie Stevenson, Le Cap. http://stevenson.info/exhibition/1962

3 http://chomma.tumblr.com. Chomma veut dire en argot friend.

 

Vu à

Fondation Louis Vuitton

8, avenue du Mahatma Gandhi, Bois de Boulogne,

75116 Paris

Exposition Art/Afrique, le nouvel atelier

26 avril — 28 août 2017

Commissaire général : Suzanne Pagé 

Conseiller : André Magnin 

Commissaires : Angéline Scherf et Ludovic Delalande.

 

http://www.fondationlouisvuitton.fr