Papiers botaniques du Japon

Parme Baratier
  • © Parme Baratier
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86 pages, 2017,reproduction de photogravures imprimées en taille douce, offset numérique , auto-édition. Trois échantillons de papier japon.

Selon Parme Baratier la botanique n’est pas seulement question d’inventaire, d’observation et de représentation fidèles, c'est un langage poétique en soi, qui le fascine et qu’il décode inlassablement. Pour lui le terme recouvre un ensemble de notions « segmentées dans les savoirs, et auxquelles on accède par l’anthropologie, l’ethnologie, les sciences naturelles, l’histoire des techniques ,la géographie, et même le design si on s’attache à l’objet. » Sa démarche est transversale. Ce livre d’artiste résulte d’un parcours qui l’a fait voyager aussi bien physiquement que spirituellement, jusqu'à la transmutation, avec le minimum d’altération, d'éminents végétaux en œuvres d’art. 

L’oeuvre est celle d'un passionné très pointu, qui transmet sa passion par la poésie. Elle est conçue comme une aventure, prenant la forme d'un livre au format (faussement) modeste, aux couvertures élégamment indigo.

L'ouvrage peut tenir dans la poche. Il offre une double entrée avec un sens de lecture soit à la française soit à la japonaise, horizontal quand au déroulé des pages et vertical quant au texte. Son sous-titre « Initiation à la culture japonaise » implique cette lecture autre. Toutes les informations sont données par l’image ou par le texte, chaque mot, chaque signe compte, on va à l’essentiel. 

On l’aura compris, l’inspiration vient du Japon que l’artiste a parcouru pour s’initier aux savoirs-faire des artisans d’art dans les domaines du papier et des couleurs. Ceux-ci savent encore transformer le végétal, en tirer un usage qui permet de se vêtir, teindre, écrire…  La recherche passe forcément par la botanique, les plantes étant le matériau de ces activités. 

Au fil des pages cette initiation révèle un concentré d'attentions. On y trouve des photos de trois plantes célèbres pour leurs qualités de fibres, photographies faites par Parme Baratier au Japon ou dans un jardin à Paris où, pour pouvoir continuer son observation, il a planté des graines de ces espèces et recréé leur cycle jusqu'à leur floraison. Le séquençage en quatre couleurs, monochromies appliquées aux photos, résulte d'un calibrage. Le choix des couleurs s'est fait dans les jardins.

Le périple se poursuit par la taxinomie, les noms de vernaculaires se sont transformés en noms scientifiques, puis en noms commerciaux. « La matière se spécifie, oublie son origine pour affirmer sa fonction » écrit Parme Baratier. Il nous montre en quoi notre vie quotidienne est liée à ces beautés exotiques qui semblent intemporelles mais furent l'enjeu de batailles économiques sans pitié.  

Quand on le « feuillette » l'ouvrage nous transmet la plasticité du monde végétal, évoquant ces plantes mucilagineuses dont la fibre en gonflant au contact de l’eau servira à fabriquer des papiers. La construction du livre est métonymique, les matières servent à prendre connaissance des mots, identités et usages sont intrinsèquement liées, leurs destins sont sans fin. Elles ont participé aux grands mouvements des hommes et des marchandises faisant d'innombrables souches loin de leur terre natale. 

Ainsi parmi les plantes convoquées le Kozo, ou Broussonetia que nous appellerions un mûrier à papier est beaucoup plus que cela : c'est un genre de  plante comportant une trentaine d'espèces sans compter ses "cultivars" et autres variétés. L'arbuste renvoie bien entendu à la Route de la Soie, et contribue à écrire l'histoire de la fabrication du papier qui, en Europe, s'est faite à partir du bois depuis à peine deux siècles alors que les Japonais ancestralement partaient du liber, la partie interne de l'écorce de l'arbre. Ce n'est qu'au XXe siècle, qu'ils ont adopté nos techniques de production industrielle. 

Enfin pour approcher au plus près de l'essence de la nature, Parme Baratier a inserré dans le livre trois fines feuilles de « papier japon » transparent. Fabriquées à partir du liber des plantes représentées, chacune est délicatement intercalée à la page de l'image de la plante qu'elle diffracte et recouvre. 

 

Anne-Marie Morice

 

Vu à 

Sous les pavés les arbres

Aubervilliers

Parcours artistique

Les 6, 7 et 8 juillet 2018

Diffusion  parme.baratier@free.fr