L’heure bleue, 2018, huile sur toile 146 x 114 cm
D’un côté un texte, de l’autre une illustration, cette peinture à l’huile est une mise à plat d’une page du livre Boréal de Paul-Emile Victor, le premier qu’il ait écrit en 1934 sur ses expéditions au Groënland. Lors de sa venue à la librairie Le temps de lire, à Aubervilliers, Coraline De Chiara a trouvé cet ouvrage, journal de bord illustré de photos, de croquis de cartes, documentaire ethnographique et invitation au voyage. Elle en a fait son espace d’expériences pour un ensemble de peintures à l’huile dont fait partie cette toile. Agrandie, cette double page peinte propose un nouveau territoire à découvrir. Comme pour le parcours, le feuilletage d’un livre, ici la peinture est un espace où le temps semble arrêté. Tel qu’on s’attarde sur une image, sur une phrase, ici, la peinture incite à plonger dans un ailleurs lointain.
Du livre à la peinture, l’artiste réalise un passage du temps du voyage immobile à travers les mots et la photographie vers celui de la contemplation d’un paysage peint. L’objet se déploie en une composition qui décompose l’original imprimé vers son redéploiement en plusieurs formats. Reprenant la logique de la mise en page du livre, Coraline De Chiara, avec la technique de la peinture à l’huile, trouble la perception de la lecture de l’image, originellement une prise de vues de l’auteur du livre.
Ainsi, la peinture véhicule à la fois la fixité et le mouvement. L’œuvre combine la notion de volume à celle de surface. Pour l’artiste, le geste prime, la technique de fabrication est moteur d'une esthétique picturale. Elle interroge le médium pictural et sa relation avec l’image. Elle explique « La peinture est une matière factuelle, qui résiste au temps. » Pour chaque peinture, elle confronte l’illusion d’une profondeur avec celle de la surface plane.
Car Coraline De Chiara fait des livres d’occasion ses territoires d’exploration. Elle interroge la circulation des images : les documents, livres abandonnés, donnés, usagés, retrouvent une nouvelle jeunesse. « Très vite, je suis tombée sur des livres de vulgarisation, d’histoire, où je voyais des reproductions de statues antiques et je me suis demandé ce que cela faisait de projeter un volume sur une surface plane » témoigne-t-elle. Par la peinture, elle s’approprie ces objets et procède à un va-et-vient entre le passé, le présent et le futur.
Pauline Lisowski
Vu à
Sous les pavés les arbres
Aubervilliers
29 juin - 8 juillet 2018
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