Cette installation ne contient aucun des objets, -microphones, amplificateurs, instruments de musique...- qui pourraient signifier qu’elle est également sonore. Le premier effet est visuel et minimal : une masse d’eau dans un verre dupliquée dans quatre cents récipients posés sur des petites étagères qui dessinent leurs ombres portées trapézoïdales sur le mur. Chaque verre contient un objet allongé sombre qui se silhouette dans l’eau. En se rapprochant on constate que ce qui flotte est une aiguille. Enroulé et plaqué contre la paroi, un fil de cuivre est connecté par un cable mince, à peine visible, à une alimentation électrique. Un événement aléatoire quasiment imperceptible se produit de façon récurrente, lorsque une décharge électrique alimente le câble et crée un champ magnétique temporaire qui, attirant l'aiguille, l’amène à heurter le verre. Ce mouvement discret déclenche des tintements ténus contre les verres. Se conjugant les uns aux autres, ils finissent par créer une résonnance globale dans l'espace, un ensemble de petits sons envahissant notre corps perturbé par les multiples origines et les infimes différences de tonalité qui ne permettent pas de les localiser. Une infinité de perceptions nous envahit de sorte que “chacun de ces petits bruits ne se (fait) connaître que dans l’assemblage confus de tous les autres ensemble” aurait dit Leibnitz1. Pour caractériser ces sons Nelo Akamatsu en appelle aux environnements sonores créés dans les jardins japonais de la période Edo. Par exemple celui des gouttes d’eau qui tombent dans un pot de terre lui même enterré sous un bassin de pierre et dont on entend les résonnances au travers de tiges de bambou.
Chijikinkutsu est une installation non stabilisée, en perpétuelle modification, qui contient une part d’incertitude. Sa fragilité, sa transparence, sa simplicité et l’ingéniosité méticuleuse du dispositif créent une jolie énigme qu’on a envie d’interpréter. Hijikinkutsu nous donne à percevoir les propirété magnétiques terrestres que l’humain ne peut pas ressentir alors qu’elles agissent sur l’ensemble de la planète et de ses occupants. Le contenant de chaque verre évoque la terre qui, comme l’aiguille, est orientée par le géomagnétisme. L’ensemble des sons est contrôlé par un système MIDI. Une application a été créée pour distribuer des séres de données à chaque port et envoyer le courant électrique aux fils de cuivre.
“J’ai voulu créer une expression minimale, comme une peinture qui aurait une grand marge non peinte de façon à ce que les phénomènes acoustiques se remarquent et que le public puisse se concentrer sur leur écoute. Plus les sons seront disccrets plus la sensibilité des visiteurs sera aiguisée. Quand ils comprendront le phénomène de boucles magnétiques mis en place ils ne pourront plus faire de différence entre le son extérieur à leur corps et celui que génère leur mental.”, explique Nelo Akamatsu.
Anne-Marie Morice
1Leibniz, Nouveaux Essais sur l’entendement humain, 1765
Vu à
104 (Paris)
Dans le cadre de la Biennale Nemo
Du 9 decembre 2017 au 4 Mars 2018
Site de l'artiste
http://www.neloakamatsu.jp/index-eng.html