Dans une barque, un jeune homme prend le large avec un ensemble d’animaux, se reliant ainsi à la chaine du vivant (grenouilles, crapauds, escargots, écureuil). Des végétaux sont également présents et renvoient aux interconnexions entre les différents règnes. Ces espèces animales et végétales seraient comme des rescapées, devant trouver refuge ensemble. Les merveilles du monde vivant ainsi rassemblées nous invitent à éprouver une certaine empathie. Les animaux ont une posture qui laisse imaginer leur détermination pour arriver à destination. En se rapprochant de cette sculpture, nous pouvons observer la finesse du travail de la matière céramique. Le bleu qui la recouvre exprime les fluides qui réunissent les différents êtres vivants entre eux.
Ce jeune homme tient dans ses mains un dinosaure miniature et verse des larmes, régénératrices. La larme « nait d’une émotion, mais c’est aussi de l’eau, un liquide. Dans l’histoire de la barque, elle la remplit symboliquement. Elle est liée aux animaux, comme le bleu, la couleur de la larme. Elle porte un imaginaire, un rêve, mais aussi une réflexion : l’homme pense à ce qui s’est passé pour les dinosaures et à ce qui pourrait advenir demain »[1]
« Ce sont des larmes protectrices, qui donnent la vie, plus que des larmes de tristesse »[2]. L’artiste tend à faire revivre des espèces et nous convie à réapprendre à cohabiter avec eux. Si une certaine fragilité se révèle dans les œuvres d’Edi Dubien, celle-ci est également porteuse d’une force, d’une possible renaissance. « Le garçon pleure de tristesse, il en naît des merveilles qui font renaître le vivant. C’est une résilience, une transformation, une façon pour moi de mettre la lumière sur le fragile et de faire de la fragilité une force. »[3] ajoute l’artiste. Cette œuvre est tournée vers un avenir d’une grande tendresse. L’artiste précise « Le garçon dans mon travail n’est jamais triste, bien au contraire : il cherche à réparer et prend en charge les situations soit en les dénonçant soit en faisant passer de l’énergie, de la lumière et beaucoup d’empathie. »[4] Cet attachement se retrouve dans la série de sculptures Les Baisers, qui furent également exposées dans les salles des collections permanentes du musée : des rapprochements sensuels entre l’homme et l’animal, des moments de relations protectrices.
De plus, Traverser le temps introduit la question du regard qui traverse les œuvres de l’artiste. Les enfants qu’il représente semblent à la fois innocents et conscients des dérèglements dans lesquels ils vivent. Tout un chacun peut se rappeler combien il est possible de surmonter les épreuves de la vie, que de la tristesse vient la possibilité d’un changement, de restaurer de nouvelles manières d’être au monde et de trouver des formes de refuge.
Dessins et sculptures d’Edi Dubien nous transportent dans un ailleurs, où une lumière et des couleurs nous indiqueraient la voie vers des contrées plus douces où humains et non-humains vivraient en harmonie.s
Pauline Lisowski
Vue au
Musée de la chasse et de la nature, Paris
Exposition S'éclairer sans fin
Du 10 décembre 2024 au 17 août 2025
[1] Entretien entre Edi Dubien et Rémy Provendier-Commenne, Catalogue S’éclairer sans fin, Edi Dubien, JBE Books, p. 142
[2] Ibid. p. 142
[3] P. 140
[4] P. 151